Chapitre 13 – Les Ombres des Archives

La fuite de la Citadelle se fit dans un silence oppressant. Aucun mot ne fut échangé. Les visions restaient accrochées à leurs esprits comme une seconde peau. Ils chevauchèrent à travers la forêt embrumée, chacun prisonnier du poids de sa propre vérité.

Leur prochaine destination semblait presque trop évidente : les Grandes Archives d’Ervastia. Un sanctuaire de savoir, neutre en apparence, échappant encore au contrôle total des Ordres. C’était là, selon les révélations de la Citadelle, qu’un des derniers fragments restait enfoui. Non sous la forme d’un artefact magique, mais inscrit – dissimulé dans les plis du langage ancien, codé dans un manuscrit oublié.

Gabriel et Li-Mei se firent passer pour des érudits itinérants. Théo, drapé dans sa cape et l’ombre, se glissa dans les entrailles d’Ervastia pour contacter un ancien informateur : Lorné, un bibliothécaire déchu devenu passeur de savoirs interdits.

À l’intérieur des immenses tours de pierre des Archives, tout respirait autant la sagesse que le danger. Les murs semblaient écouter. Car même ici, les ordres secrets avaient leurs yeux, notamment l’Ordre des Cendres Hautes, qui avait entrepris de réécrire l’Histoire, supprimant toute trace de ce qu’ils ne pouvaient contrôler.

C’est Li-Mei qui découvrit le manuscrit.

Un rouleau si ancien qu’il s’effritait sous les doigts. Caché dans un coffre dissimulé derrière un mur illusoire. Il contenait la Chanson des Cinq Sceaux – un poème mythique censé précéder la fondation même des royaumes. Mais dans les marges, des glyphes oubliés s’y entremêlaient. Et dans ces glyphes, se trouvait la clé vers un lieu effacé de toutes les cartes : La Flamme Creuse.

Mais avant qu’ils ne puissent s’échapper, le piège se referma.

Des archivistes, en apparence neutres, révélèrent leur allégeance. Des lames surgirent de sous leurs robes. L’Ordre des Cendres Hautes avait anticipé leur venue.

Mais Lorné n’avait pas menti. Des renforts jaillirent d’un passage scellé : des rebelles, d’anciens mages, des savants bannis… Tous unis par un seul serment : préserver la vérité.

Le combat fut bref mais brutal. Le feu dévora les étagères. Le sang coula sur les dalles sacrées. Et dans la fumée, le rouleau sacré serré contre la poitrine de Li-Mei, le trio s’enfuit à travers les canaux d’eaux pluviales sous la cité.

Gabriel, en dernier, se retourna.

Une archiviste ne s’était pas battue.

Elle l’avait observé, longtemps, comme si elle le connaissait depuis toujours. Juste avant que les flammes ne l’engloutissent, elle lui murmura :

— Tu n’es pas celui que tu crois. Et Théo non plus.

Les ombres s’étaient mises en marche.

Et ils n’avaient presque plus d’endroits où se cacher.